Immobilier : la France face à son défi énergétique

Immobilier : la France face à son défi énergétique
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Chaque année, la photographie énergétique du parc résidentiel français raconte une histoire très précise.
L’édition publiée par le SDES (le Service des données et études statistiques) en novembre 2025, qui dresse l’état des lieux au 1ᵉʳ janvier 2025, confirme la tendance : le parc s’améliore… mais beaucoup trop lentement.

En miroir, le rapport FPI Logement Neuf T3 2025 révèle un marché de la construction en contraction, incapable de compenser la lente modernisation du parc existant.

Deux rapports publics, deux constats convergents : la France avance, mais elle avance à contretemps de ses propres besoins.

3,9 millions de passoires énergétiques : un progrès, mais insuffisant

Le SDES estime que la France compte, au 1ᵉʳ janvier 2025, 30,9 millions de résidences principales, dont 3,9 millions classées F ou G, soit 12,7 % du parc. C’est une baisse de 327 000 logements en un an.
Mais le rapport précise que près de 40 % de cette baisse est due non pas à des travaux, mais à la réforme méthodologique du DPE pour les surfaces inférieures à 30 m², entrée en vigueur en juillet 2024.

Autrement dit : le stock de passoires diminue, mais moins grâce aux rénovations que grâce à un changement de calcul.

Une structure énergétique encore fragile

La répartition publiée par le SDES montre que :

  • 33,7 % des logements sont classés D,
  • 27,2 % C,
  • 17,8 % E,
  • 8,6 % seulement A ou B.

Près de la moitié du parc (D + E) reste donc hors des standards élevés de performance, tandis que les classes les plus vertueuses progressent très lentement.

Le même rapport souligne des différences structurelles fortes :

En Île-de-France, 17,4 % des résidences principales sont F ou G ; 39,8 % sont classées E-F-G.
Les petites surfaces (moins de 30 m²) restent très exposées : 19,9 % de passoires.
Le chauffage au fioul concentre 42 % de F/G.

Le SDES le rappelle : la rénovation du parc existant est aujourd’hui le cœur du défi énergétique.

L’immobilier neuf en retrait : une offre trop faible pour rééquilibrer le parc

Le rapport FPI T3 2025 confirme que la construction neuve ne peut plus jouer son rôle de moteur énergétique.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

–5,4 % de mises en vente,
–20,4 % de ventes totales,
–55,3 % de réservations investisseurs,
une offre dont seulement 11 % est livrée et immédiatement disponible.

Le segment investisseurs, historiquement clé pour la construction, se contracte fortement : 21 % du marché, contre 34 % un an plus tôt.

Une hausse des prix malgré le recul de la demande

Les prix continuent de progresser :

+4,2 % en régions,
+3,9 % en Île-de-France, avec un prix moyen de 5 814 €/m².

Plusieurs métropoles affichent des hausses supérieures à 8 % (Grenoble, Le Havre, Lyon, Dijon, Tours).

Le neuf performant, plus cher à construire, n’apporte donc plus l’effet de régénération énergétique attendu.

Quand les deux rapports se superposent : un effet ciseau préoccupant

Pris séparément, les deux rapports sont déjà instructifs.
Mais mis côte à côte, ils révèlent une dynamique plus profonde.

Le parc ancien s’améliore trop lentement


La baisse du nombre de passoires est réelle, mais trop dépendante d’un changement méthodologique, pas d’une dynamique de rénovation.

Le neuf n’alimente plus le renouvellement énergétique national


Avec des ventes et des mises en vente en repli, le neuf efficient ne compense plus l’inertie du parc existant.

La réglementation énergétique poursuit son calendrier


Sans anticiper aucun texte non voté, il demeure certain que :

  • Les interdictions progressives de location des F et G continueront d’avancer.
  • L’exigence de rénovation restera un pilier des politiques publiques.

La France entre donc en 2026 avec un écart croissant entre les objectifs réglementaires et la capacité réelle d’adaptation du parc.

Conséquences sur le financement : l’énergie devient un critère bancaire

Sur le terrain, cette réalité se traduit immédiatement.

Les dossiers de financement intègrent désormais de manière systématique :

  • la classe DPE du bien en garantie ;
  • la valorisation différenciée des logements F/G ;
  • les travaux énergétiques prévisionnels ;
  • les risques de liquidité liés à la vente future d’une passoire ;
  • l’impact de la performance énergétique sur les valeurs d’expertise.

Le SDES rappelle que les ménages propriétaires de passoires sont souvent plus âgés et de revenus modestes.
Un élément qui pèse directement sur leur capacité à financer des travaux… et donc sur le risque bancaire associé.

Quelles stratégies pour les investisseurs immobiliers ?

Dans ce contexte, plusieurs réalités se dessinent :

  • Les passoires transformables deviennent des opportunités
    Les décotes croissantes sur les biens F/G ouvrent des perspectives aux investisseurs capables de financer une rénovation ciblée.
  • La rénovation ciblée est souvent plus rentable que le neuf
    Isolation, ventilation, chauffage : les travaux les plus efficaces ne sont pas forcément les plus lourds.
  • Le neuf doit être analysé au cas par cas
    La performance énergétique ne suffit plus à justifier des prix en hausse.
  • Le financement doit intégrer le DPE

2026, l’année du réalisme énergétique

Les chiffres du SDES et du FPI convergent clairement : le parc existant s’améliore trop lentement et le neuf recule au moment même où la France a besoin d’accélérer.

La rénovation devient la pierre angulaire de la transition énergétique.
Et pour les investisseurs, la performance énergétique n’est plus un critère secondaire : c’est un levier de valorisation, de financement et de résilience patrimoniale.