TEG inexact : le préjudice de l’emprunteur au coeur du débat

TEG inexact : le préjudice de l’emprunteur au coeur du débat
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Ancien d’EY où il a travaillé près de 16 ans, Maître Thibault Deraison a co-fondé le cabinet Boissard & Deraison Avocats début 2016. Il est spécialisé dans le droit des services financiers (secteurs bancaire, assurantiel et de la gestion d’actifs). Son associé, Emmanuel Boissard, ancien d’EY également, exerce son activité en droit des sociétés et M&A. Thibault Deraison a accepté de faire le point pour nous sur une récente jurisprudence en matière de taux effectif global (TEG) qui est un indicateur obligatoire dans les financements bancaires. Pour mieux comprendre la portée de cette jurisprudence, il faut avoir à l’esprit que le calcul du TEG fait l’objet d’un contentieux de masse, souvent complexe, instable et source d’insécurité juridique pour les banques. Cependant, certains arrêts récents devraient avoir pour effet de rééquilibrer le rapport de force entre prêteurs et emprunteurs.

A quoi sert le TEG ?

Créé par la loi du 28 décembre 1966 sur l’usure, le taux effectif global (TEG) a pour objectif d’informer les emprunteurs du coût total d’un crédit. Il intègre, outre le taux d’intérêt, l’ensemble des frais et commissions constituant une condition obligatoire à l’octroi d’un crédit (frais de dossier, frais d’assurance, frais de sûreté, etc.). Le TEG a, par ailleurs, vocation à permettre à un emprunteur de comparer plus facilement les offres de crédit d’établissements concurrents, sans pour autant être un expert financier.

Le TEG est-il fiable ?

La définition légale du TEG étant large, les règles de calcul du TEG peuvent donner lieu à interprétation. Or, comme le TEG inexact est généralement sanctionné par la nullité du taux d’intérêt conventionnel et la substitution des intérêts conventionnels par les intérêts légaux (plus faibles), le calcul du TEG est généralement contesté soit en défense par des emprunteurs poursuivis en recouvrement d’impayés, soit en demande par des emprunteurs dans le cadre de contentieux d’opportunité. Ainsi, c’est la jurisprudence qui, au fil de l’eau, a déterminé avec précision les principes directeurs du calcul du TEG et plus particulièrement les frais à inclure dans le TEG.

Quels sont les éléments nouveaux ?

Une série d’arrêts de la Cour de cassation et de la Cour d’appel de Paris a récemment été rendue. D’abord, la Cour de cassation a rendu deux arrêts intéressants les 12 octobre et 16 novembre 2016. Une banque avait communiqué un TEG supérieur au TEG effectivement supporté par l’emprunteur. Le TEG conventionnel était donc inexact car le coût réel à la charge de l’emprunteur s’était révélé inférieur à ce que la banque avait prévu initialement. La question se posait donc de savoir si le TEG inexact, quel que soit le sens de l’erreur, devait être sanctionné même dans l’hypothèse où l’erreur était favorable à l’emprunteur. La Cour de cassation a jugé que la demande de l’emprunteur n’était pas fondée car le TEG « surestimé » ne lui avait pas causé de préjudice. Cette solution de bon sens semble s’imposer.

La sanction de la nullité du taux conventionnel va-t-elle perdurer ?

Dans une série d’arrêts rendue entre novembre 2016 et janvier 2017, la Cour d’appel de Paris a affirmé avec force que la sanction d’un TEG inexact d’un financement régi par le Code de la consommation n’est pas la nullité du taux d’intérêt conventionnel mais seulement la déchéance des intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. La nullité du taux d’intérêt conventionnel était justifiée par la combinaison des articles pertinents du code de la consommation et de l’article 1907 du code civil sanctionnant par la nullité l’absence de taux d’intérêt écrit et par voie d’extension de TEG dont l’inexactitude est assimilée à une absence. En vertu du principe selon lequel les règles spéciales dérogent aux règles générales, la Cour d’Appel de Paris se fonde exclusivement sur la règle spéciale de l’article L312-33 du code de la consommation. Ce dernier dispose, dans sa rédaction de l’époque, que « le prêteur (…) qui ne respecte pas l’une des obligations prévues aux articles (…) du Code de la consommation (…) pourra en outre être déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le Juge ».

Quelles observations peut-on faire des décisions de la Cour d’appel de Paris ?

Il est permis de formuler trois observations :

  • D’abord, la sanction d’un TEG inexact d’un crédit régi par le code de la consommation est la déchéance de tout ou partie du droit aux intérêts laissée à la libre appréciation du juge.
  • Ensuite, la déchéance des intérêts conventionnels devrait être fixée en considération du préjudice de l’emprunteur ; le préjudice, quant à lui, devant, en principe, correspondre à la différence entre le TEG réel et le TEG conventionnel.
  • Enfin, ces décisions sont conformes aux directives européennes en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier conclus avec des consommateurs des 23 avril 2008 et 4 février 2014 qui disposent que les sanctions doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives ».

 

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