Opinion | Le PGE, une bombe à retardement ?

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Si le dispositif a fait l’unanimité en 2020, le ralentissement de l’économie pourrait réduire la capacité de remboursement de certaines entreprises bénéficiaires du PGE, estime Madhi Kedjar.

En mars 2020, alors que le président Emmanuel Macron annonçait la mise sous cloche du pays pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, son gouvernement décrétait une série de mesures destinée à protéger l’emploi et les entreprises. Dans ce contexte inédit de crise, la politique du ‘quoi qu’il en coûte’ s’est déclinée en plusieurs volets, dont le prêt garanti par l’Etat.

Le dispositif a rencontré un succès immédiat. Selon les données de la Banque de France, 700.000 entreprises ont souscrit un PGE pour un montant supérieur à 148 milliards d’euros. Parmi les secteurs ayant le plus fait appel à ce mécanisme, les TPE et les PME arrivent en tête dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration ainsi que les services et les commerçants dont les activités étaient très fortement impactées voire à l’arrêt lors des confinements.

Soutien aux entreprises

Cet outil de trésorerie s’est déployé plus rapidement en France que dans les autres pays européens ayant mis en place un mécanisme similaire grâce notamment à une distribution déléguée aux banques et à un coût raisonnable. Pouvant se monter jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise, la Cour des comptes estime que le PGE a joué son rôle de soutien aux entreprises impactées par la crise.

Particularité du PGE, il est remboursable sur 4 ans, 6 ans maximum avec un différé de remboursement d’une année. À la sortie de la crise sanitaire, l’économie a connu un rebond exceptionnel avec une croissance en forte hausse et un chômage en régression. Certes, les entreprises devaient faire face à des difficultés d’approvisionnement avec la désorganisation des chaînes logistiques et à un retour d’une inflation maîtrisée, mais dans son ensemble les indicateurs économiques restaient bien orientés.

Dans ce contexte, le remboursement des PGE ne devait pas être un problème. Certaines entreprises n’avaient pas consommé le PGE en l’ayant souscrit par précaution en cas de difficultés de trésorerie. Ainsi, le Ministère de l’Economie et des Finances a revu à la baisse le taux de défaut sur le PGE à 3 %, contre 7 % lors du lancement du dispositif en mars 2020.

Marges en baisse

La Cour des comptes se félicite dans un rapport que le PGE a permis ‘de soutenir l’offre de crédit par les banques et d’éviter des faillites massives d’entreprises dans un contexte de crise inédit’. Seulement les crises se succèdent, l’optimisme affiché en 2021 n’est plus vraiment à l’ordre du jour en 2022.

La guerre en Ukraine impacte durablement et fortement la situation macroéconomique. La crise énergétique avec des craintes sur l’approvisionnement conduit à une augmentation inédite des prix de l’énergie. L’inflation massive touche tous les pays européens. Si en France, le bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie contient en partie l’inflation, l’activité connaît des signes de ralentissement.

Les entreprises les plus fragiles doivent consacrer jusqu’à 9 % de leur chiffre d’affaires mensuel au remboursement du PGE. Or, avec des marges en baisse, le niveau de trésorerie des entreprises pourrait les conduire à ne pas pouvoir honorer les échéances de remboursement.

Risque de défaut

La guerre en Ukraine et ses conséquences sur les prix de l’énergie vont perdurer. Les entreprises, dont la situation financière est déjà dégradée par la crise sanitaire, risquent d’être amenées à demander une restructuration de leur PGE. Un arrêté daté du 8 juillet 2021 autorise la restructuration et l’allongement du remboursement des PGE sur 10 ans auprès de la médiation du crédit.

Mais cette possibilité ne concerne que les PGE inférieurs à 50.000 euros. Pour les montants supérieurs, les entreprises doivent saisir le conseil départemental de sortie de crise, dont le rôle est de définir une solution adaptée. Un rééchelonnement du remboursement de la dette n’est pas sans conséquence.

Selon la réglementation bancaire européenne, la restructuration du PGE conduira l’entreprise à être déclarée en défaut sur tous ses crédits avec des difficultés à contracter de nouveaux financements sur toute la durée du plan de restructuration. Ce classement en défaut ne sera connu en théorie que par l’entreprise et ses banques dans le cadre d’une procédure amiable de traitement des difficultés (mandat ad hoc et de conciliation). Il sera néanmoins facile de repérer la modification de l’échéancier de remboursement dans les états financiers de l’entreprise.

Avenir en péril

De même, les entreprises faisant l’objet d’une notation Fiben auprès de la Banque de France verront leur notation dégradée. Dès lors, cette mise à jour de la notation sera connue des adhérents de la Fiben, dont les assureurs crédits. C’est l’avenir même des entreprises qui est mis en péril par cette réglementation et son manque de confidentialité. Une modification au niveau européen doit être envisagée pour protéger les entreprises.

En dernier recours, la garantie de l’Etat permet d’annuler les PGE à hauteur du niveau de garantie allant de 70 à 90 % du montant selon la taille des entreprises. Cette sortie, au-delà du coût pour les finances publiques, risque de contrevenir au droit européen. Le PGE pourrait être reclassé en subvention. Cet état fausserait les principes de libre concurrence dans le marché européen. L’éventuelle crise du remboursement des PGE, si elle n’est pas encore à l’ordre du jour, devra être réglée au niveau de l’Europe avec le soutien des pays membres.

Madhi Kedjar est Responsable financement entreprises et professionnels chez Carte Financement

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