Pendant longtemps, la loi successorale française s’est appliquée aux biens immobiliers français détenus en direct par un résident suisse. Cela avait pour conséquence que deux lois différentes étaient compétentes : la loi française pour les biens immobiliers français et la loi suisse pour le reste de la succession. Il en résultait une complexité de la planification et du règlement de la succession en présence de deux lois différentes couvrant deux masses différentes. Les parts de Sociétés Civiles Immobilière (SCI) étaient, en revanche, soumises à la loi successorale suisse. Une seule et même loi, la loi suisse, entrait donc en jeu.
Notre partenaire, Avacore Family Office, fait le point sur les dispositions à prendre pour toute personne domiciliée en Suisse détenant ou envisageant d’acquérir des biens immobiliers en France.
La loi successorale suisse applicable à l’ensemble des biens détenus en France et en Suisse
Depuis l’entrée en vigueur le 17 août 2015 du règlement communautaire applicable aux successions, la situation a radicalement changé. Malheureusement, certains propriétaires (et même certains de leurs conseils ! ) n’ont pas pris conscience de ce changement. La loi successorale suisse, par hypothèse loi du dernier domicile du défunt, a désormais vocation à régir l’intégralité des biens détenus en France et en Suisse, qu’ils soient de nature mobilière ou immobilière. Cela a pour principal avantage qu’une planification globale peut être plus facilement entreprise. A ce stade, il faut préciser que si sur le plan civil, c’est la loi suisse qui va couvrir la succession et déterminer qui sont les héritiers, cela ne signifie pas, bien entendu, que des droits de succession ne seront pas dus en France.
Droit des successions français et suisse : quelles différences ?
Le droit des successions en France et en Suisse sont sensiblement différents tant sur le plan de la dévolution légale que de la réserve héréditaire, c’est-à-dire la part réservée à certains héritiers. En droit helvétique, à défaut de testament, le conjoint reçoit la moitié de la succession en pleine propriété alors qu’il a le choix entre un quart en pleine propriété et l’usufruit du tout (sous réserve d’enfants communs uniquement) dans l’Hexagone. En Suisse, il est, certes, possible de laisser l’usufruit de la succession au conjoint survivant (avec certaines limites en présence d’enfants non communs), mais encore faut-il l’avoir prévu par testament.
Le conjoint est un héritier réservataire en droit suisse, même en présence de descendants alors qu’il ne l’est en droit français qu’en l’absence de descendants.
Autre différence notable, le droit suisse permet de régler par avance le sort d’une succession de manière contractuelle par la signature d’un pacte successoral alors qu’il est, en principe, prohibé en droit français. Si la loi suisse est compétente, ce pacte aura plein effet en France, y compris sur des biens situés en France. Enfin, l’exécuteur testamentaire a des pouvoirs très importants en droit suisse qui lui permettent en toutes circonstance d’aller jusqu’à vendre les biens de la succession. Si la loi successorale est la loi suisse, l’exécuteur testamentaire aura en France les pouvoirs que lui confère cette loi. A noter qu’une réforme successorale entrera en vigueur en Suisse le 1er janvier 2023 laissant une plus grande liberté testamentaire. Cela doit être l’occasion de refaire le point sur sa situation.
Anticiper la fiscalité immobilière française en réalisant un audit de la planification successorale
Le droit international privé suisse prévoit la possibilité d’opter pour l’application de sa loi nationale (sous réserve de ne pas avoir par ailleurs la nationalité suisse). Cette option sera reconnue en France. Dans ces conditions, il convient de procéder à un exercice de comparaison entre les deux lois afin de déterminer celle qui le correspond le mieux à ses objectifs. Cette option n’a pas de conséquences sur les règles fiscales applicables (autrement dit une option pour la loi française ne signifie pas nécessairement que toute la succession sera taxable en France).
Nous nous concentrons ici sur les aspects civils, mais les aspects fiscaux sont bien entendu tout aussi importants. Nous n’entrerons pas ici dans tous les détails des droits de succession français, mais il convient toutefois de mettre exergue certains points. La dévolution légale au premier décès d’un couple marié qui détiendrait un bien immobilier en France va impacter la fiscalité globale en France sur les deux décès. La planification successorale entreprise en Suisse doit donc tenir compte de son impact sur la fiscalité en France. Selon que le ou les biens immobiliers sont détenus conjointement ou non, il faudra conserver ou modifier la dévolution légale. Rappelons que les droits de succession en Suisse relèvent de la compétence des cantons. Il faut donc consulter chaque loi cantonale. La détention d’un immeuble français au travers d’une société civile immobilière peut être source de double imposition. Ces parts seront, en effet, taxables à la fois en France et dans le canton de domicile du défunt. Or, s’il s’agit d’un lien de parenté taxable en France et dans le canton en question, il va en résulter une double imposition partielle ou totale selon le canton de domicile. Prenons l’exemple d’une personne domiciliée à Genève qui laisserait des parts de SCI à une personne avec laquelle elle n’a aucun lien de parenté. Cette dernière subirait une fiscalité globale en France et en Suisse de 115% de la valeur des parts. Or, les suisses ayant constitué des SCI pour détenir un bien en France sont extrêmement nombreux car c’était, par le passé, un mode d’acquisition favorable. Les règles ont malheureusement changé depuis que la convention fiscale applicable en matière de droits de succession entre la France et la Suisse a été dénoncée.
En conclusion, pour les personnes domiciliées en Suisse détenant ou envisageant d’acquérir des biens immobiliers en France, un audit de leur planification successorale et de leur impact sur la fiscalité au décès en France s’impose. Il est particulièrement urgent d’agir pour les personnes détenant des biens immobiliers au travers de SCI et dont les héritiers ont un lien de parenté générant des droits de succession dans leur canton de domicile.
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