La réglementation en faveur de la réduction des gaz à effet de serre dans le secteur immobilier
Selon le Ministère de l’Ecologie, le secteur du bâtiment représente 43 % des consommations énergétiques annuelles françaises et il génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre français. C’est pourquoi la France multiplie les actions afin de pousser les acteurs du secteur à diminuer ces taux et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Dès 2014, la loi ALUR a obligé les copropriétaires à statuer sur la réalisation d’un diagnostic technique global et à créer un fonds de travaux, puis la loi ELAN en 2018 est entrée en vigueur afin de « construire mieux, plus vite et moins cher ».
Plus récemment, la RE2020 (réglementation environnementale 2020) a impacté fortement le secteur de la promotion immobilière en imposant des critères de mesure de performance. La dépense énergétique des bâtiments neufs construits sous la RE 2020 devra être de 0 kWh/m²/an. Elle a pour objectif de diminuer l’impact environnemental des matériaux utilisés pour la construction de bâtiments neufs.
Enfin, la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 vise désormais à responsabiliser les propriétaires de logements énergivores mis en location. Ainsi depuis le 25 août dernier, les propriétaires de logements classés F ou G qui consomment plus de 330 kWh ou émettent plus de 70 kilos de CO2 au m²/an, ne peuvent plus augmenter leur loyer lors du renouvellement du bail ou d’un nouveau contrat de location. Et dès le 1er janvier 2023, les propriétaires de ces logements classés G+ seront interdits à la relocation.
La nécessité de trouver des accords au sein des copropriétés
Dans ce contexte, les 30% de logements en copropriété en France peinent à s’accorder sur des travaux de rénovation énergétique. Les copropriétés doivent faire face à des copropriétaires ayant des revenus et des intérêts divers et variés. Bien que la réglementation prévoie d’encadrer la location d’un logement en fonction de sa performance énergétique, dans la plupart des cas, les propriétaires bailleurs non occupants n’auront pas la même sensibilité, ni la même urgence à faire réaliser des travaux pour réduire leur facture énergétique, que des propriétaires occupants.
L’amélioration des performances énergétiques passe bien souvent par l’amélioration de l’isolation, qui peut s’effectuer par l’extérieure, mais cela sous-entend un accord entre tous les copropriétaires, qui n’est pas toujours évident à trouver. C’est pourquoi le ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, Olivier Klein, devrait annoncer en janvier 2023 un “quorum” pour déclencher les travaux de rénovation. Dès lors, seul l’accord de la moitié des copropriétaires sera nécessaire pour voter une rénovation énergétique contre deux tiers actuellement.
L’autre option consiste à isoler par l’intérieur, mais dans ce cas la surface du bien immobilier se trouve réduite. Si la superficie diminue, il sera de fait nécessaire de repenser l’aménagement du logement pour les bailleurs louant en meublé. Pour les propriétaires qui souhaiteraient vendre à moyen terme, il faudra prendre en compte la nouvelle surface du bien immobilier, plus petite, pour déterminer le prix de vente. La plus-value immobilière sera donc moindre.
Face à ces situations, les propriétaires de logements énergivores (environ 5 millions de logements en 2020 selon le ministère de la Transition énergétique) optent de plus en plus pour la vente de leur bien. Selon un récent rapport publié par Seloger, Meilleurs Agents et SciencesPo sur « L’impact de la loi Climat et Résilience sur le marché immobilier en France », sur les six derniers mois de 2021 qui ont marqué le début des restrictions, le nombre de passoires énergétiques sur ces deux sites d’annonces ont augmenté de 7,9% alors que le nombre de mise en vente des autres biens a reculé de 3,5% sur la même période. Mécaniquement au vu du plus grand nombre de logements notés F et G sur le marché, les prix de ces biens ont augmenté de seulement 2% en 2021 contre 5,7% pour le reste des logements sur la même année.
L’impact des performances énergétiques dans le cadre d’une demande de financement
Lors des demandes de financement que nous traitons au sein de Carte Financement, nous constatons que les banquiers enregistrent désormais la note des DPE dans leurs logiciels internes. Cette collecte d’information est pour le moment purement informative et n’entre pas encore en compte dans la décision finale d’octroi du prêt immobilier aux particuliers.
Cependant, pour les demandes de crédit immobilier qui concernent un investissement locatif, les banquiers s’intéressent de plus en plus aux performances énergétiques de la copropriété afin de savoir quel type de bâtiment (sur le plan énergétique) leur établissement de crédit finance. Ainsi, si le bien immobilier financé concerne un bien déjà loué, la banque anticipera un éventuel départ du locataire dans un ou deux ans. Elle s’interrogera alors sur la faculté de relouer le bien en l’état ou sur la nécessité d‘effectuer des travaux de rénovation énergétique dans le cas où ce dernier serait un logement énergivore interdit à la location d’ici quelques années. S’il est nécessaire de faire des travaux pour remettre le bien en conformité, la banque anticipera potentiellement une mise en pause des revenus locatifs permettant de rembourser les mensualités le temps que la rénovation soit effectuée.
Pour les professionnels de l’immobilier, les performances énergétiques des biens immobiliers acquis sont d’ores et déjà étudiées lors des demandes de financement des marchands de biens. Certaines banques se sont posées la question de poursuivre ou non le financement des marchands de biens achetant et revendant des passoires thermiques sans réaliser les travaux nécessaires à l’amélioration de la performance énergétique. En réponse à cette question, plutôt que de stopper cette activité, ils ont décidé d’octroyer des crédits avec une marge plus faible aux marchands de biens effectuant des opérations d’achat-revente de bâtiments plus performants sur le plan énergétique.
Alors qu’aucune mesure réelle au niveau européen n’existerait concernant le financement de biens immobiliers plus ou moins énergivores, il semblerait que cette récolte d’informations par les banques liées à la performance énergétiques soit transmise à la BCE. Toutes ces informations seraient-elles analysées afin de mettre en place de réelles mesures européennes pour encadrer les « green bond » et autres « prêt verts » ? Comment homogénéiser ces données sachant qu’il n’existe pas de DPE européen ? Dans le secteur tertiaire, la norme BREEAM semblerait déjà avoir été adoptée par la majorité des acteurs de l’immobilier comme une pratique de marché.