L’investissement locatif ou la détention d’un bien peuvent être réalisés à travers une entreprise. Aux côtés de la SCI, il y a la SARL de famille. Si juridiquement les deux se valent, fiscalement l’une prend l’ascendant sur l’autre. Explications
Vous souhaitez gérer, ou transmettre, un bien immobilier mis en location détenu seul ou à plusieurs. En pareille situation, le premier réflexe est de créer une société civile immobilière où chaque partie prenante va détenir des parts. Cette forme juridique permet aussi d’associer vos enfants, mais aussi toute personne de votre choix. La SCI va alors gérer le bien loué et les associés seront soumis à l’impôt sur le revenu – on parle de transparence fiscale – en fonction du montant du résultat annuel, qu’il y ait distribution de dividende ou pas. “L’imposition ne s’attache pas à la distribution des bénéfices. C’est une vraie différence avec une société traditionnelle”, confirme Clément Rozant, avocat au cabinet Rozant & Cohen.
Le dilemme de la location en meublé
A priori, la SCI permet de proposer tout type de location. Dans les faits, si elle opte pour la location en meublé, la transparence fiscale disparaît. C’est le régime de l’impôt sur les sociétés qui s’applique. Dès lors, il est possible de garder les revenus dans la SCI sans que les associés soient imposés sur le revenu. Le vrai désavantage se trouve à la revente : là, l’impôt sur les sociétés est moins avantageux que l’impôt sur le revenu. Pour éviter cet écueil, vous disposez d’une autre structure : la SARL de famille, si cela est précisé dans ses statuts. Même en cas de location en meublé, et notamment avec le statut LMNP, les associés restent soumis à l’impôt sur le revenu. “Cette solution est avantageuse quand le bien loué produit une rentabilité autour de 4 à 5 %, estime l’expert. L’amortissement et les charges permettent de gommer le résultat. Au-delà, il faut se poser la question s’il ne vaut pas mieux basculer sur une structure soumise à l’impôt sur les sociétés.” Par exemple, pour les locations en meublé, les bénéfices de la SARL de famille vont suivre le régime de la location meublé non professionnel dit au réel. L’option au forfait n’est pas possible. D’où la nécessité d’avoir des charges déductibles supérieurs à la moitié des revenus. En dessous, la SCI reste pertinente.
De manière pratique, une SARL de famille fonctionne comme toute autre entreprise : capital divisé en part sociale, siège social, gérant, assemblée générale annuelle, comptabilité à tenir… Toutefois ce n’est pas une société en tant que telle, mais juste une modalité fiscale. Concrètement, il s’agit de créer une SARL classique, puis d’informer l’administration fiscale, via un procès-verbal de l’assemblée générale avec approbation des associés, avant la date d’ouverture du premier exercice comptable, de la volonté de bénéficier de cette option. Pour être validé, les associés doivent avoir un lien de parenté direct : parents, enfants, frères, sœurs, et époux ou partenaire de pacs. “En cas de divorce, la société peut perdre son régime fiscal, avertit Clément Rozant. Le mieux est qu’un des deux récupère toutes les parts. Et dans une famille recomposée, les enfants issus d’autres relations ne peuvent pas être membres de la SARL de famille.” Si les critères de liens de parenté ne sont pas réunis ou sont perdus par la suite, la SARL retrouve son statut classique et donc une fiscalité à l’IS. Il ne sera plus possible de réactiver l’option.
Outil de transmission de bien par donation
Une fois constituée, la SARL de famille peut acquérir le bien. Ce dernier peut être celui d’un des associés. Pour Clément Rozant, “cette stratégie convient bien pour les biens détenus depuis plus de 30 ans et avec une SARL de famille où il y a des enfants. Là, le produit de la vente se retrouve sans impôt pour le cédant, avec l’application de l’exonération de plus-value pour durée de détention longue. Ensuite, les parts peuvent être données en nue-propriété, et le cédant garde l’usufruit.” C’est une façon de réaliser une donation sans devoir payer les droits associés.
Bien sûr, le financement des acquisitions immobilières peut se faire au moyen d’un crédit. Qu’il s’agisse d’une SCI ou d’une SARL de famille, les associés sont impactés mais pas de la même façon. “La responsabilité des associés est plus importante en SCI qu’en SARL, avertit l’avocat. Elle n’a pas de limite dans le premier cas, et seulement à hauteur du capital apporté dans le second. Pour autant, dans le cadre d’une SARL de famille, les associés se portent caution, ce qui diminue d’autant leur capacité d’emprunt comme pour une SCI.” Enfin, un dernier aspect est à prendre en compte qui ne concerne que les SARL de famille mais pas les SCI : si le gérant détient la majorité du capital, alors sa quote-part aux résultats est assujettie aux cotisations sociales : retraite, maladie, chômage…