L’impact de l’évolution des taux des crédits par rapport aux taux d’usure

L’impact de l’évolution des taux des crédits par rapport aux taux d’usure
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La conjoncture peut s’avérer compliquée pour certains investisseurs immobiliers. La hausse observée des taux des crédits immobiliers sur le dernier trimestre et la stabilité des taux d’usure impactent les ménages y compris les plus aisés. Par Jean-Baptiste Monié, directeur de Carte Financement (groupe Artémis courtage).

Ces dernières semaines, les banques ont rehaussé les taux des crédits immobiliers d’environ 0,6 point, selon les établissements. Une situation que les professionnels de l’immobilier n’avaient plus rencontrée depuis de nombreuses années.

En cause, le retour de l’inflation accentué par la crise énergétique liée au conflit ukrainien mais aussi à l’augmentation de l’OAT à 10 ans sur les marchés financiers qui a augmenté de plus de 2 % depuis le début de l’année.

En parallèle, la Banque de France a publié les nouveaux taux d’usure des différentes catégories de prêts en se référant aux TAEG moyens pratiqués par les banques sur le trimestre précédent.

Résultat : sur la période d’avril à juin, les taux d’usure restent stables avec des taux pour les prêts fixes inférieurs à 10 ans à 2,51 %, pour les maturités de 10 à 20 ans, 2,43 % et au-delà de 20 ans, 2,40 %.

Un calcul du taux d’usure de plus en plus contesté

À première vue, cette stabilité des taux d’usure paraît être une bonne nouvelle pour les emprunteurs. Ce mécanisme permet de réguler le coût du capital en fixant des seuils à ne pas dépasser, selon la nature du prêt et sa durée. Or, le mode de calcul du taux d’usure chaque trimestre par la Banque de France, et les taux pratiqués par les établissements de crédit, qui varient selon la conjoncture, aboutissent à un effet ciseaux. C’est-à-dire que les taux d’usure ne reflètent plus la réalité du marché.

Cette décorrélation pourrait même s’accentuer dans les semaines à venir avec de nouvelles hausses probables des taux des crédits sans que le taux d’usure n’évolue avant juillet prochain. D’ailleurs, la hausse attendue du taux d’usure au 1er juillet ne sera sans doute pas suffisante puisque le taux d’usure calculé au 1er juillet représentera le taux moyen des TAEG (taux annuel effectif global) pratiqués d’avril à juin majoré d’un tiers qui est issu de crédits immobiliers bien souvent négociés un à trois mois avant. Par ailleurs, pour maîtriser l’inflation qui a atteint en France 5,2 % en mai, un niveau jamais vu depuis 1985, les banques centrales qu’ils s’agissent de la FED ou de la BCE prennent des mesures.

Ce resserrement monétaire doit aboutir à des hausses des taux directeurs et à une réduction de leur bilan, en particulier du côté de la FED qui vient de procéder à une augmentation de 0,75 point de ses taux après des années de quantitative easing. Cette politique monétaire non conventionnelle avait alors permis aux banques centrales d’intervenir massivement sur les marchés financiers en achetant de la dette publique, notamment lors de la crise sanitaire.

Si les politiques macroéconomiques paraissent éloignées du quotidien des ménages, la situation actuelle démontre le contraire. L’effet ciseaux impacte la capacité d’emprunt des ménages et en premier des plus modestes. Le caractère plus risqué des ménages avec des revenus faibles et par conséquent un risque de défaut plus élevé, renchérit le coût nominal des crédits eux-mêmes impactés à la hausse par la conjoncture. Les banques tiennent compte de ce risque et de l’opportunité commerciale plus ou moins importante suivant les ménages pour établir des grilles de taux en fonction de l’âge et des revenus des ménages.

De fait, en ajoutant le coût de l’assurance emprunteur et les frais de dossier, le TAEG (taux annuel effectif global) dépasse parfois le taux d’usure et doivent, de fait, être refusés. Ainsi, les refus de prêt s’envolent. À cela s’ajoutent des conditions d’octroi de crédit plus strictes avec un financement maximal à hauteur de 100 %, un apport exigé couvrant les frais de notaire et des conditions d’endettement qui limitent à 25 ans la durée d’emprunt sans que les mensualités dépassent 35 % des revenus disponibles.

Les ménages aisés ne sont pas épargnés

La faiblesse des taux d’usure pénalise aussi la clientèle patrimoniale. Contrairement à une idée reçue, les ménages aisés ne bénéficient pas toujours de meilleures conditions d’emprunt. Le caractère souvent plus complexe de leur projet avec des montages juridiques et des risques particuliers justifie des taux d’emprunt supérieurs à la moyenne et un niveau d’apport important. Dès lors, la conjoncture actuelle affecte leur capacité d’emprunt.

Dans le cadre d’une gestion patrimoniale, les avantages de la SCI sont régulièrement mis en avant. Pourtant, l’investissement immobilier à travers une SCI en recourant à la dette n’est pas toujours une bonne option dans le contexte de taux actuel.

Dans de nombreux cas la SCI dite «patrimoniale» sera considérée par les banques comme étant une société non commerciale, non professionnelle et donc soumise à un taux d’usure à 1,76 %, dans ces conditions il est devenu difficile d’endetter une SCI aujourd’hui. D’autres montages peuvent parfois être proposés à cette clientèle patrimoniale en utilisant d’autres types de sociétés ou en intégrant une autre société (holding du dirigeant par exemple) au capital de la SCI, par exemple, qui permet de s’affranchir du cadre de la consommation et donc, du taux d’usure.

Les Français de l’étranger ne sont pas non plus épargnés. Cette clientèle internationale parfois aisée se voit souvent appliquer une surcote d’environ 0,3% à 0,5% sur les grilles de taux des banques. Ajoutée à la hausse des taux actuelle, cette surcote vient fortement pénaliser les non-résidents. Certains dossiers de grande qualité sont usuraires (dépasse le taux d’usure) et doivent donc être refusés.

Toutefois, toutes les CSP + ne sont pas logées à la même enseigne. Certaines professions peuvent emprunter sans difficultés à des conditions attractives. C’est notamment le cas des professions libérales, en particulier les médecins, dont les revenus futurs sont prévisibles. De plus, l’achat d’un bien immobilier pour exercer leur métier peut facilement être revendu et transformé en logement.

La décorrélation du taux d’usure et des taux des crédits poussent les professionnels à s’interroger sur une réforme du calcul du taux d’usure. L’accélération de nos modes de vie incite à imaginer un taux d’usure adapté à réalité du terrain. En évoluant la base de calcul trimestriel à un calcul mensuel, l’effet ciseaux serait réduit.

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