Les nouvelles formes de location de bureau et de logement subissent de plein fouet, comme d’autres secteurs, l’impact du confinement. Si les voyants financiers sont parfois au rouge à court terme, à long terme les activités de coworking et de co-living peuvent rebondir. Éclairage
Symbole de la startup nation, le coworking et le co-living subissent d’importantes pertes de revenus, le premier plus que le second. “L’activité de location de salle et d’accès aux espaces communs a commencé à ralentir dès la fin février, décrit Alexandre Giraud, responsable du développement de la marque de coworking, MamaWorks. Mais tout s’est immédiatement arrêté avec la mise en route effective du confinement. La partie bureau est restée ouverte et nos équipes gèrent les sites en télétravail. Car même si la fréquentation a chuté de 90%, il y a toujours des venues ponctuelles pour récupérer du matériel, travailler une demi-journée ou une journée, quand il n’est pas possible pour la personne de travailler depuis son lieu de confinement.”
Le marché du coworking capitalise sur ses atouts
Pas de fermeture stricte des espaces de coworking donc, mais un réel manque à gagner se creuse au fil des semaines. Heureusement, les coworkers qui ont conservé de l’activité, continuent à payer normalement leur loyer. Et pour ceux qui connaissent une chute ou un arrêt d’activité, il y a des accompagnements dédiés. Pour passer au mieux la période, le marché du coworking peut s’appuyer sur ses atouts, en premier lieu son approche conviviale. Le coronavirus ne l’a pas fait taire. Des rencontres à distance par visioconférence sont régulièrement organisées pour entretenir la flamme : discussion, petit-déjeuner, apéritif… Et cela devrait être reconduit après le déconfinement, sans empêcher les animations sur site avec le respect des gestes barrières.
Le coworking peut aussi espérer un bon en avant effectué par les entreprises et les salariés vis-à-vis du télétravail. “Beaucoup ont découvert le plaisir de travailler en remote, entre autres hors des villes. Cela va accentuer le phénomène d’avoir un bureau hors des murs de son entreprise”, relate Alexandre Giraud. Il devrait s’agir d’un lieu tiers, car le domicile n’est pas forcément l’endroit idéal pour travailler, mais un bureau accessible à pied de chez soi.
Si la reprise s’annonce lente, cela pourrait être une opportunité pour les espaces de coworking. “Du fait de l’incertitude, les entreprises ne vont pas vouloir s’engager sur un bail classique sur 3, 6 ou 9 ans, estime le représentant de MamaWorks. Elles pourraient se tourner vers les espaces de coworking, avec un engagement renouvelé mois par mois, le temps d’y voir plus clair avant de se positionner sur un bail commercial longue durée”.
Le co-living de jeunes actifs : la bonne stratégie
L’autre forme de location tendance, le co-living, n’échappe pas non plus à la crise, mais semble être, pour le moment moins impactée. Le principe est de louer un studio tout équipé avec des espaces communs dans une maison ou un immeuble. Une sorte de petite famille recomposée. Ce type de colocation s’adresse essentiellement à deux cibles : les étudiants ou les jeunes actifs, voire des actifs de passage sur une durée plus ou moins longue. “Sur mes 30 locataires, un seul a résilié son bail”, souligne Antoine Ferrat, investisseur en immobilier locatif sous la forme de co-living. Une vraie satisfaction : “J’ai fait le choix il y a quelques années d’investir exclusivement sur les colocations/co-livings de jeunes actifs”, détaille-t-il. De son côté; François Roth, co-fondateur de Colonies, explique ce contraste entre étudiants et jeunes actifs par le fait que ces colocations pour personnes actives constituent leur résidence principale : “Cependant, au cas par cas, il y a eu des départs : des expatriés qui sont rentrés dans leur pays et des personnes qui ne vont pas retrouver d’activité immédiatement.” Et pour celles qui restent, certaines n’ont pas forcément fait le choix de se confiner dans la colocation, mais auprès de leur famille. “Chaque colocataire a eu une occupation différente des lieux, dont la non-occupation, ce qui a entraîné pour certains, un geste commercial sur les charges”, reconnaît Antoine Ferrat, investisseur en immobilier locatif, spécialisé dans la colocation et le co-living en Ile-de-France.
En revanche, pour les colocations occupées par les étudiants, c’est la douche froide. Beaucoup ont avancé leur départ, profitant d’un préavis limité à un mois, pour rejoindre leurs parents. Ils ne reviendront pas avant septembre. La situation est loin d’être anodine : durant cet été, cela va provoquer un surcroît d’offres face à une demande réduite. “Les investisseurs les plus impactés sont ceux qui ont investi exclusivement dans la location étudiante. La plupart des étudiants ont résilié leur bail pour habiter chez leurs parents”, rappelle Antoine Ferrat. Toutefois, il pourrait y avoir une sorte de nettoyage dans le catalogue des biens. “Certains acteurs de co-living, dont l’offre locative haut de gamme est réservée à une clientèle professionnelle de passage (consultants, cadres en formation…) ont vu leurs taux d’occupation chuter dramatiquement”, observe-t-il. Et les actifs intéressés pourraient disposer de ressources inférieures à celles d’avant la crise, et opter pour de plus petites surfaces.
Le modèle du co-living appelé à se renouveler
Dans ce contexte, la situation des logements de type T3, T4 et haut de gamme semble être plus compliquée sur les douze prochains mois. Jusqu’à présent, c’était principalement les entreprises qui les payaient à leur salarié en transition. Il n’est pas certain qu’elles soient encore disposées à le faire, en raison de leurs trésoreries mises à rude épreuve. Pour rester attractif, des réflexions sont en cours pour revoir l’offre et proposer plus de services afin de maintenir les loyers. “Nous allons observer une accélération fulgurante de changements d’usages amorcés il y a quelques années, mais à l’impact encore limité sur notre quotidien, comme le télétravail, relève François Roth. Le co-living doit repenser ses espaces pour les rendre modulables selon les différents usages de la journée : travail, loisirs, activité sportive, restauration. La nécessité d’avoir une bonne connexion internet avec la présence de la fibre pourrait devenir un critère primordial de sélection de logements.” Ce changement pourrait être rapide, car il passerait par du mobilier adaptable, déplaçable. “Il s’agit de permettre aux colocataires de faire beaucoup plus de choses dans le même volume”, résume -t-il.
Les acteurs des activités de coworking et co-living espèrent et doutent tout à la fois. À long terme les perspectives restent attractives, mais à court terme, il va falloir passer la crise au mieux. Si le déconfinement s’amorce bien pour le 11 mai prochain, la réalité montre que la vraie reprise s’annonce pour septembre et pas avant. Les entreprises semblent avoir choisi de se donner la période estivale pour retrouver un fonctionnement normal. Ce sont autant de mois à patienter sans grande visibilité. Antoine Ferrat conclut : “avec une contraction de l’économie, il est fort à parier que les jeunes actifs se rapprocheront des centres économiques. Les propriétaires bailleurs qui ont opté pour des colocations/co-livings dans les grandes métropoles, en particulier l’Île-de-France, avec des tarifs attractifs, sortiront gagnants de cette situation.”