Les sociétés d’exercice libéral (SEL), instaurées par la loi du 31/12/1990, permettent aux membres des professions libérales réglementées d’exercer leur activité sous forme de sociétés de capitaux dont l’objet social exclusif est l’exercice de la profession libérale exercée par les associés ou actionnaires.
Ce sont des sociétés commerciales par la forme, à risques limités, mais civiles par leur objet.
Ce type de société est venu compléter les possibilités d’exercice des professions libérales réglementées qui, auparavant, se limitaient aux entreprises individuelles, aux sociétés créées de fait (SDF – en l’absence de contrat de société), aux sociétés en participation ou aux sociétés civiles (sociétés civiles professionnelles ou SCM, sociétés civiles de moyen).
L’objectif du législateur, en créant les SEL, était d’offrir aux professions réglementées un outil juridique leur permettant de constituer des groupes capitalistiques suffisamment forts pour satisfaire les exigences de la clientèle, faire face à la concurrence, et bénéficier du cadre fiscal de l’impôt sur les sociétés.
Au gré des réformes intervenues depuis, les différents textes applicables aux sociétés des professions réglementées sont devenus de moins en moins lisibles. L’ordonnance du 8 février 2023, qui entrera en vigueur le 1er septembre 2024, est venue simplifier et clarifier la réglementation en fondant en un texte unique l’ensemble des règles applicables à ces sociétés.
Les professions libérales réglementées sont désormais regroupées en 3 familles :
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- les professions de santé
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- les professions juridiques ou judiciaires
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- les professions techniques et du cadre de vie » (notamment experts-comptables, commissaires aux comptes, architectes, géomètres-experts).
Par sa forme commerciale, la SEL est régie par les dispositions du code de commerce et ne constitue pas une forme sociale autonome. Elle emprunte le régime juridique de formes sociétaires déjà existantes : SARL, SA, SCA, SAS. Ainsi, on distingue plusieurs formes de SEL :
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- la SELARL (société d’exercice libéral à responsabilité limitée)
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- la SELAFA (société d’exercice libéral à forme anonyme)
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- la SELCA (société d’exercice libéral en commandite par actions)
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- la SELAS (société d’exercice libéral par actions simplifiée).
Avantages et inconvénients de la SELAS
La SELAS, apparue en 2001, se distingue par sa liberté contractuelle et sa flexibilité, ce qui a contribué à la libéralisation de l’exercice en groupe.
Elle peut néanmoins être constituée avec 1 seul actionnaire, et permettre ainsi à un professionnel libéral d’exercer seul son activité.
Les modalités de fonctionnement sont librement déterminées par les statuts toutefois, certaines règles impératives s’appliquent à elles. Ainsi, un président doit être obligatoirement nommé, choisi parmi les actionnaires professionnels libéraux exerçant. Il est le représentant légal de la société, et l’étendue de ses pouvoirs est fixée par les statuts. Le cas échéant, un ou plusieurs directeurs généraux peuvent être désignés et il est également possible de trouver des SELAS à conseil d’administration, conseil de surveillance, comité stratégique, etc.
Surtout, la SELAS permet de dissocier le capital et les pouvoirs politiques, de même que le capital et les droits financiers, contribuant ainsi à attirer des capitaux extérieurs et à favoriser les regroupements.
Enfin, comme pour toute SEL, chaque actionnaire répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit, la SEL étant solidairement responsable.
Constitution de la SELAS
Les actionnaires réalisent des apports en numéraire, en nature ou en industrie pour constituer le capital social de la SELAS.
Si la SEL est constituée au commencement de l’activité libérale, les apports purs et simples en numéraires sont exonérés de droits d’enregistrement.
Si elle est constituée en cours d’activité libérale, il peut être fait apport, cession ou encore location-gérance du fonds libéral, avec dans ce cas des conséquences fiscales en matière de taxation des plus-values (imposition immédiate, report d’imposition ou exonération, selon les cas).
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Fiscalité de la SELAS
La SELAS relève de plein droit du régime de l’impôt sur les sociétés à l’exception de la possibilité temporaire et conditionnelle de bénéficier du régime de semi-transparence fiscale (IR) au début de son activité. De droit commun, l’impôt sur les sociétés sera donc dû sur la base de son résultat fiscal après prise en compte de l’intégralité de ses charges déductibles (y.c. la rémunération des professionnels exerçants ainsi que leurs cotisations sociales professionnelles).
À la suite de la publication du BOFIP du 15 décembre 2022, complétée le 5 janvier 2023, la rémunération des professionnels libéraux exerçant en SELAS suivra (sauf revirement) la même dynamique d’un point de vue fiscal et social à compter du 1er janvier 2024. En l’absence d’un lien de subordination, la rémunération en tant que praticien s’analysera d’un point de vue social comme une rémunération technique assujettie à cotisations selon les règles propres aux Travailleurs Non-Salariés (TNS). Il en sera de même d’un point de vue fiscal avec une imposition prévue dans la catégorie des Bénéfices Non-Commerciaux (BNC).
Au niveau du mandat social de dirigeant, peu importe qu’il y ait ou non un lien de subordination, si une rémunération est consentie par choix (société pluripersonnelle avec un praticien mandataire) ou par obligation (dans l’attente d’un éclaircissement de la part de la DGFIP sur ce point), la rémunération afférente suivra le traitement fiscal et social de droit commun – traitements et salaires sur la partie fiscale et assimilé salarié d’un point de vue social.
Fiscalité à la cessation d’activité
Au moment de la cessation d’activité, le praticien, ou sa société holding professionnelle (SPFPL), pourra revendre les actions de la SELAS. Cette cession va être soumise au régime des plus-values de cession de valeurs mobilières si l’actionnaire est une personne physique et au régime des plus-values professionnelles (IS) si l’actionnaire est une personne morale (SPFPL). Il est possible dans certains cas de bénéficier d’une exonération partielle ou totale d’imposition sur les plus-values.
Cette cession sera également soumise aux droits d’enregistrement (au taux de 0,1% s’agissant d’actions de SELAS).
Enfin, la SELAS peut également faire l’objet d’une dissolution, notamment s’il s’agit d’une société unipersonnelle, avec imposition immédiate dans ce cas du boni de liquidation.
Un contexte juridique et fiscal toutefois incertain
Au-delà de l’impact non encore totalement mesurable lié à la publication du BOFIP du 15 décembre 2022, les professionnels libéraux réglementés connaissent depuis ce début d’année d’importants remous. Citons tout d’abord l’ordonnance N° 2023-77 du 8 février 2023 (supra) qui est venue refondre en profondeur le cadre juridique réservé aux SEL et aux SPFPL. Mais également plus récemment, l’arrêt de la Cour de Cassation du 19 Octobre 2023 (N°21-20.366) qui fait suite à la décision de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 11 juin 2021 (N°20/09464). La Cour de cassation a confirmé une décision assujettissant aux cotisations retraite des chirurgiens-dentistes les dividendes versés par une SEL à une SPFPL, mais sans que ceux-ci ne soient ultimement distribués à la personne physique. Cette décision est fondée sur deux arguments :
– Les bénéfices de la SEL constituent le produit de l’activité professionnelle du travailleur indépendant.
– Ce dernier étant le seul associé (indirect) exerçant de la SEL et détenant la SPFPL avec son conjoint, ces dividendes correspondent à la rémunération d’un travail plutôt qu’à des revenus d’un patrimoine.
Ces décisions posent une insécurité juridique et fiscale sur les structurations existantes et, au-delà du cas d’espèce, interpellent sur de nombreux points : qu’en sera-t-il en cas de distribution ultérieure de dividendes depuis la SPFPL, faudra-t-il les assujettir de nouveau aux cotisations sociales ou encore aux prélèvements sociaux ? Comment financer des opérations de rachat de parts de SEL du fait de la pression sociale supplémentaire ? Comment les praticiens d’ores et déjà sous cette structuration vont-ils pouvoir faire face à cette charge supplémentaire non anticipée et soudainement imposée par la jurisprudence ?
Y aurait-il alors un traitement de défaveur pour les professionnels libéraux dans leurs opérations capitalistiques vis-à-vis de l’intégralité des autres professionnels ou cela constituerait-il des prémices à une possible future extension à prévoir sur l’intégralité du paysage économique d’ici quelques années faisant ainsi écho à la situation 2008-2013 relative aux cotisations sociales sur les dividendes de SELARL au profit du gérant majoritaire, version personne morale ?
Rédigé par Grégory LECLER et le service ingénierie patrimoniale du cabinet PRUDENTIA PATRIMOINE
Ingénieur-Maître en Gestion de Patrimoine
Université Paris-Dauphine
Gérant Fondateur
Cabinet PRUDENTIA
Cabinet de conseil en stratégies patrimoniales pour les professions libérales
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